
Transparence et démocratie énergétique : le droit à savoir
Épisode 1 : EDF, État actionnaire, État juge : quand l’absence de séparation des pouvoirs étouffe la démocratie énergétique
La transparence et la démocratie énergétique sont souvent invoquées dans le débat public. Elles concernent les choix industriels, les prix de l’électricité ou les trajectoires climatiques. En revanche, elles interrogent plus rarement ce qui se joue à l’intérieur d’EDF.
Pourtant, l’absence de séparation claire entre l’État et l’entreprise publique pose un problème majeur. Comment croire au « droit à savoir » lorsque l’État cumule les rôles ?
Il agit à la fois comme actionnaire ultra-majoritaire, stratège énergétique et donneur d’ordres. Dans le même temps, il se présente comme arbitre budgétaire et garant du droit du travail.
Cette confusion crée une zone d’irresponsabilité politique et humaine. Elle affaiblit le contrôle démocratique sur une entreprise centrale pour l’avenir énergétique du pays.
Un climat social dégradé au sein d’EDF
Depuis plusieurs années, de nombreux acteurs alertent sur la situation interne d’EDF. Des syndicats, des représentants du personnel et des agents décrivent un climat de pression permanente. Ils évoquent aussi des objectifs irréalistes et des réorganisations imposées sans réelle concertation.
Dans ce contexte, le management devient souvent un outil de contrainte. Il remplace progressivement un pilotage fondé sur le sens du service public. Des cadres témoignent de consignes strictes visant à « tenir la ligne » à tout prix.
Par ailleurs, plusieurs agents rapportent des mises à l’écart après des alertes techniques ou humaines. Les arrêts maladie augmentent. Les cellules d’écoute saturent. La parole, quant à elle, se libère trop souvent après des drames personnels.
Une responsabilité politique diluée
Face à ces alertes répétées, la réponse institutionnelle reste largement prévisible. EDF lance des enquêtes internes et diffuse des communications rassurantes. L’État, pourtant omniprésent dans la gouvernance, invoque l’autonomie de gestion.
Cependant, cette autonomie apparaît largement fictive. Les grandes orientations stratégiques résultent de choix étatiques directs. Les nominations au sommet, les contraintes financières et les injonctions contradictoires relèvent du politique. Produire davantage, investir massivement et maintenir des prix bas relèvent d’arbitrages publics.
À cela s’ajoutent des dispositifs comme l’ARENH ou des réorganisations imposées.
Pour approfondir ces mécanismes, voir notre dossier sur la gouvernance du secteur énergétique.
Une exigence démocratique incontournable
Des parlementaires ont interpellé le gouvernement à plusieurs reprises. Des inspections ont relevé des dysfonctionnements managériaux. Les CHSCT et les CSE ont également tiré la sonnette d’alarme.
Pourtant, la chaîne de responsabilité reste volontairement floue. Les souffrances au travail apparaissent comme des dommages collatéraux d’une stratégie nationale. Cette opacité dépasse le seul cadre social interne à EDF.
Elle pose une question démocratique centrale.
Une entreprise qui structure l’avenir énergétique du pays doit rendre des comptes. Tant que l’État n’assumera pas sa responsabilité, le discours sur la transparence restera fragile.
Le droit à savoir ne peut se limiter aux chiffres de production. Il doit aussi éclairer les conditions humaines de mise en œuvre. Il engage enfin la responsabilité politique de ceux qui décident.



















