EPR, un fiasco industriel et financier

« Un coup de théâtre » : la justice administrative met à l’arrêt le projet de deux réacteurs EPR2 à la centrale nucléaire du Bugey

Le tribunal administratif de Lyon a annulé, mardi 9 décembre, la modification du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) et la révision du Plan local d’urbanisme (PLU) dans le cadre du projet de construction de deux EPR2 à la centrale du Bugey (Ain). Une victoire pour les opposants aux projets.

« Cette victoire, c’est un coup de théâtre. » Jean-Pierre Collet, de Sortir du nucléaire Bugey, le reconnaît volontiers. Il avoue avoir été surpris par la décision. « Même nous, nous savons que cette lutte ressemble au pot de terre contre le pot de fer. »

Mardi 9 décembre, le tribunal administratif de Lyon a stoppé le projet d’agrandissement de la centrale nucléaire du Bugey, dans l’Ain. Les juges ont invalidé la modification du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) Bugey-Plaine de l’Ain. Ils ont également jugé insuffisante la révision du Plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Loyettes. Ces deux documents conditionnaient l’installation de deux réacteurs EPR2 sur le site.


Une opposition présente dès l’origine du projet

Dès son lancement en 2019, le projet d’agrandissement a suscité une forte opposition locale. Des habitants, des militants écologistes et des associations antinucléaires ont rapidement dénoncé la méthode. « En septembre 2018, nous avons appris que la Safer prospectait des terrains pour EDF », explique Joël Guerry, de Sortir du nucléaire Bugey.

Les élus locaux n’ont exprimé leur soutien au projet qu’en décembre 2019. Une réunion plénière a ensuite permis à EDF de présenter ses intentions. Pour les opposants, cette chronologie traduit un manque de concertation.


Une procédure jugée précipitée

Le projet prévoit l’implantation des réacteurs sur un site de 150 hectares, en bord du Rhône. Le terrain se situe à quinze kilomètres de Lyon. Pour accueillir les EPR2, les élus ont modifié le SCOT et le PLU. Le tribunal a rejeté ces deux évolutions.

« Les élus ont agi dans la précipitation », estime Jean-Pierre Collet. Le cabinet Itinéraires Avocats, qui défend l’association, précise que la modification du SCOT aurait nécessité une procédure de révision complète. Concernant le PLU, le tribunal a sanctionné une évaluation environnementale insuffisante. Le site se trouve notamment à proximité immédiate d’une zone Natura 2000.


EDF minimise la portée de la décision

EDF affirme que cette décision ne remet pas en cause le projet à long terme. Le groupe assure que le calendrier reste inchangé. Il promet également de s’appuyer sur une étude d’impact environnemental complète. EDF affirme vouloir appliquer la démarche ERC : éviter, réduire et compenser les impacts.

Le projet n’est donc pas abandonné. « Il faut rester lucide. C’est une grande victoire, mais EDF fera appel », anticipe Jean-Pierre Collet. Il se dit toutefois rassuré par le rôle joué par la justice.


La réaction de l’association Elektron-Vert

L’association Elektron-Vert salue l’annulation des documents d’urbanisme. Elle estime que cette décision confirme des années de critiques. Selon elle, la précipitation des élus et d’EDF a fragilisé les procédures.

L’association souligne l’insuffisance manifeste de l’évaluation environnementale. Elle rappelle la proximité du Rhône et d’une zone Natura 2000. Pour Elektron-Vert, EDF adopte trop souvent une posture dominante face au droit. Le groupe traiterait chaque obstacle juridique comme un simple contretemps.

Même si le projet continue, l’association voit dans ce jugement un coup d’arrêt important. Elle y lit un frein à la logique du fait accompli. Elektron-Vert appelle enfin à une vigilance renforcée. Elle rappelle que la transition énergétique exige transparence, respect du droit et protection de l’environnement.