
EDF et la culture du travail : un appel urgent à la réforme
Alors que l’État détient 100 % du capital d’Électricité de France (EDF), des accusations de harcèlement moral, de discriminations et de management destructeur secouent l’entreprise. Ces alertes, relayées par plusieurs médias et confirmées par certaines décisions de justice, posent une question cruciale : comment concilier mission de service public et respect des droits fondamentaux des salariés ?
Témoignages qui percent le silence
Plusieurs enquêtes journalistiques révèlent que des salariés dénoncent des pratiques coercitives et des mises au placard après avoir signalé des dysfonctionnements internes. Dans le dossier « EDF, la machine à broyer », des témoignages relatent pressions, licenciements et climat de peur. Ces récits rappellent certains épisodes historiques dans d’autres grandes entreprises françaises. Un reportage a recueilli les récits d’une douzaine de salariés. Tous affirment avoir été réprimés après avoir alerté sur des problèmes internes, dont certains liés au harcèlement. Certains ont engagé des procédures judiciaires contre l’entreprise.
Cas emblématiques et reconnaissance judiciaire
Des affaires portées devant les prud’hommes et d’autres juridictions montrent que la justice a parfois reconnu le harcèlement moral ou des discriminations à l’encontre d’EDF. Ces décisions soulignent que le problème n’est pas isolé mais réel pour certains salariés. De plus, des élus ont saisi le gouvernement afin d’obtenir des éclaircissements. Ils rappellent que l’État, actionnaire unique, doit veiller à la santé mentale et au bien-être des travailleurs.
Des situations rappelant d’autres scandales sociaux
Les témoignages et critiques des pratiques de management évoquent des crises sociales antérieures. France Télécom/Orange a déjà reconnu le harcèlement moral institutionnel. Bien qu’EDF n’atteigne pas l’ampleur de ces affaires historiques, l’accumulation de récits de souffrance et la difficulté de l’entreprise à y répondre soulignent la nécessité d’une réforme profonde de la culture managériale.
La réponse institutionnelle et les dispositifs internes
EDF met en avant plusieurs dispositifs : charte éthique, politiques de prévention, numéro vert de soutien et formations managériales. Cependant, ces engagements restent insuffisants pour certains salariés et observateurs. Ils constatent que l’entreprise n’a pas su éliminer certains comportements dégradants. En outre, le fossé entre dispositifs affichés et vécu des salariés accentue le sentiment de solitude et de frustration.
Un défi pour l’avenir du service public
La situation chez EDF illustre un enjeu plus large : comment garantir un environnement de travail respectueux tout en répondant aux défis économiques et techniques d’un secteur stratégique ? Pour beaucoup, la solution passe par une action plus vigoureuse de l’État. Celui-ci doit agir non seulement comme actionnaire, mais aussi comme garant des droits sociaux. Sans cela, le traumatisme des salariés continuera d’affecter leur santé mentale et d’éroder la confiance du public dans un service public essentiel.
Cadre juridique et obligations de l’employeur
En droit français, le harcèlement moral inclut des agissements répétés — pressions, humiliations, mises à l’écart, dénigrement, objectifs irréalistes — portant atteinte à la dignité, la santé mentale ou aux conditions de travail. Le salarié n’a pas besoin de preuve totale : il suffit de présenter des éléments laissant présumer l’existence du harcèlement. Par conséquent, l’employeur doit démontrer que ses décisions reposent sur des éléments objectifs et étrangers au harcèlement. La loi impose aussi de prévenir les risques : anticiper les situations, former les managers, traiter les alertes sérieusement et protéger les salariés contre toute représaille.
Le rôle des lanceurs d’alerte
Les tensions apparaissent le plus souvent sur le terrain des alertes. Plusieurs salariés affirment avoir été sanctionnés après avoir signalé des dysfonctionnements ou pratiques abusives. La loi protège les lanceurs d’alerte : un signalement de bonne foi ne peut justifier de mesures de rétorsion. Cependant, dans une grande organisation, la frontière entre réorganisation et sanction déguisée reste floue. Cela alimente le sentiment d’être broyé par une machine administrative complexe.
EDF met en avant ses dispositifs : charte éthique, code de conduite, plateforme d’alerte interne et numéro vert « Écoute et Soutien ». Le gouvernement rappelle que l’État, actionnaire unique, veille à la mise en œuvre et au suivi de ces outils. Néanmoins, les enquêtes journalistiques soulignent un écart entre les dispositifs affichés et le vécu des salariés : enquêtes perçues comme insuffisamment indépendantes, procédures longues, sentiment de solitude et absence de reconnaissance du préjudice humain.
Une question de culture managériale
Au-delà d’EDF, le problème touche la gestion de la souffrance au travail dans les grandes organisations publiques. Les précédents, notamment France Télécom, ont montré que l’accumulation de signaux faibles ignorés peut mener à des drames humains et à une reconnaissance judiciaire tardive mais sévère. Le véritable enjeu est de savoir si la culture managériale permet réellement d’appliquer les règles existantes.
EDF n’est pas un bloc uniforme, mais les alertes répétées, les témoignages concordants et certaines décisions judiciaires convergent vers une évidence : le harcèlement moral est souvent un symptôme d’un dysfonctionnement organisationnel. L’État, la direction et la société ne doivent pas détourner le regard. Un service public ne peut remplir sa mission durablement en laissant perdurer la souffrance des salariés.
Pour approfondir ce sujet et comprendre les obligations légales, consultez notre article sur la prévention du harcèlement et des discriminations dans les grandes entreprises publiques.



















