
Management toxique à EDF : le spectre de France Télécom plane toujours
Un climat managérial qui rappelle un précédent tragique
Le management toxique dénoncé chez EDF et ses filiales, dont ERDF devenue Enedis, rappelle un précédent social majeur. Il renvoie au drame de France Télécom, aujourd’hui Orange, marqué par une crise humaine sans précédent.
À la fin des années 2000, un mode de gestion fondé sur la pression permanente avait émergé. Il reposait sur la peur et la déstabilisation, provoquant une crise humaine majeure.
Aujourd’hui, de nombreux témoignages internes à EDF décrivent une évolution jugée inquiétante. Réorganisations successives et restructurations imposées ont profondément transformé le fonctionnement de l’entreprise. L’obsession des indicateurs de performance a pris le pas sur le service public.
La santé des salariés a progressivement été reléguée au second plan.
Plusieurs agents expliquent que les objectifs chiffrés ont remplacé toute autre considération. Comme le résume un technicien, on ne parlait plus de sécurité des réseaux ni de mission de service public.
Seuls comptaient désormais les délais, la rentabilité et les chiffres.
Pression, mobilité forcée et harcèlement institutionnel
Comme lors de la crise de France Télécom, la mobilité forcée apparaît comme un outil managérial central. Des agents se voient proposer des changements de poste ou de région présentés comme volontaires. Ces propositions sont pourtant vécues comme des injonctions déguisées par les salariés concernés. Dans ces conditions, refuser devient risqué pour l’évolution de la carrière.
Par ailleurs, plusieurs cadres intermédiaires décrivent un harcèlement institutionnel insidieux. Celui-ci se manifeste par des mises à l’écart progressives et des pertes de responsabilités. Un dénigrement managérial apparaît après des alertes sur des dysfonctionnements ou des risques psychosociaux. Ces pratiques rappellent directement les méthodes de déstabilisation révélées lors du procès France Télécom.
À l’époque, la justice avait reconnu une stratégie visant à pousser les salariés vers la sortie. Après avoir signalé l’épuisement de mon équipe, je suis devenue le problème, confie une manageuse ERDF.
Elle a ensuite été exclue des réunions stratégiques et privée de moyens.
Isolement des salariés et silence collectif
L’isolement constitue une constante dans les témoignages recueillis. Il rappelle le silence qui entourait déjà les salariés de France Télécom. La peur de devenir une cible empêche souvent toute solidarité visible. « Les collègues me soutenaient en privé, mais plus personne n’osait me parler ouvertement », confie un agent.
Dans le même temps, les syndicats d’EDF alertent depuis plusieurs années sur la hausse des burn-out, des arrêts maladie de longue durée et des troubles anxieux. Des médecins du travail évoquent, eux aussi, un climat anxiogène durable, nourri par la peur de la sanction et par l’affaiblissement du dialogue social. De plus, les directions ont longtemps minimisé ces alertes, parlant de situations individuelles ou de difficultés liées au changement, avant que l’accumulation des témoignages ne révèle un problème structurel profond.
France Télécom : un avertissement ignoré ?
L’affaire France Télécom a pourtant marqué un tournant juridique et symbolique majeur. La justice a reconnu l’existence d’un harcèlement moral institutionnel, démontrant que des choix managériaux pouvaient engager la responsabilité pénale des dirigeants.
À travers les témoignages d’EDF et d’Enedis, la crainte de voir se reproduire un scénario similaire s’impose. Une entreprise publique, soumise à des logiques de rentabilité, laisse s’installer un management par la peur où le silence devient une condition de survie. Or, l’histoire récente a montré le coût humain, social et judiciaire de telles dérives. Le cas France Télécom agit désormais comme un miroir et un avertissement. Lorsque les alertes sont ignorées et que la souffrance se banalise, ce ne sont pas seulement des carrières qui se brisent, mais des vies entières.
Pour approfondir ces enjeux liés aux conditions de travail et aux alertes internes, voir également notre dossier sur le harcèlement moral et les lanceurs d’alerte en entreprise.



















