EDF : entre discours éthique et témoignages de harcèlement moral, des salariés brisent le silence
Paris — Électricité de France (EDF), entreprise publique stratégique du secteur énergétique, fait face depuis plusieurs années à une accumulation de témoignages de salariés dénonçant des situations de harcèlement moral, de discrimination et de pressions managériales. Ces récits, relayés par plusieurs médias et parfois portés devant la justice, interrogent la réalité des conditions de travail au sein du groupe, en décalage avec les engagements éthiques affichés par l’entreprise.
« On m’a mise au placard » : des récits de souffrance au travail
Parmi les témoignages les plus marquants figure celui de Hassiba Z., salariée d’EDF depuis plus de vingt ans. Après avoir signalé des dysfonctionnements internes et des comportements qu’elle qualifie de discriminatoires, elle affirme avoir subi une mise à l’écart progressive.
« Quand j’ai lu ça j’ai pleuré… En sortant de la petite salle des prud’hommes, je me suis dit que j’avais enfin été entendue, mais tout n’est pas terminé. »
Selon son récit, elle aurait été affectée à un poste sans ordinateur ni téléphone, privée de missions et confrontée à des propos déplacés, voire racistes.
« J’étais là, sans travail réel, sans reconnaissance. C’est une façon de vous faire disparaître sans vous licencier. »
D’autres salariés décrivent des trajectoires similaires : rétrogradations, mutations imposées, isolement professionnel, ou encore procédures disciplinaires déclenchées après des alertes internes.
« Sur le papier, tout est parfait »
Une autre salariée, interrogée dans une enquête de presse, résume le décalage qu’elle perçoit entre les textes officiels et la réalité vécue :
« Quand vous lisez leurs accords handicap ou égalité femmes-hommes, vous avez l’impression que c’est le paradis. Mais dès que vous réclamez l’application concrète de ces droits, c’est fini. »
Cette salariée évoque un épuisement psychologique profond, avec des conséquences sur sa santé et sa vie personnelle.
« Je suis sortie détruite de cette expérience. J’ai perdu confiance, j’ai perdu la santé. »
Des alertes ignorées, parfois sanctionnées
Certains salariés affirment que le fait d’alerter sur des situations de harcèlement ou sur des risques professionnels aurait entraîné des représailles, plutôt qu’une prise en charge effective.
« Pour avoir demandé l’application d’un accord interne, j’ai subi du harcèlement pendant plus de six ans. J’ai fini en invalidité. »
D’autres parlent d’un climat de peur, dissuadant les collègues de témoigner :
« On comprend vite que parler, c’est se mettre en danger. »
Ces situations ont parfois conduit à des procédures judiciaires. Dans plusieurs affaires, la justice a reconnu des manquements de l’employeur, notamment en matière de prévention du harcèlement moral et de protection de la santé des salariés.
La position d’EDF
EDF affirme de son côté disposer de dispositifs internes destinés à prévenir et traiter les situations de harcèlement et de discrimination : charte éthique, dispositif d’alerte confidentiel, formations managériales et enquêtes internes.
L’entreprise soutient que chaque signalement est examiné et que des mesures sont prises lorsque des comportements contraires aux règles sont établis. Toutefois, pour les salariés concernés, ces dispositifs seraient insuffisants ou inefficaces, voire difficiles d’accès.
Et les prestataires d’EDF ? Une réalité peu visible
Concernant les prestataires et sous-traitants d’EDF, la situation apparaît encore plus opaque. Peu de témoignages ont fait l’objet d’une médiatisation importante, mais des représentants syndicaux évoquent l’existence de situations de souffrance au travail également chez des travailleurs extérieurs, parfois confrontés à une double précarité : dépendance économique et absence de protection interne.
« Quand vous êtes prestataire, dénoncer un harcèlement, c’est risquer de perdre le contrat. »
EDF rappelle que ses fournisseurs sont soumis à des codes de conduite éthiques, mais aucune enquête journalistique d’ampleur n’a, à ce jour, documenté systématiquement ces situations.
Un enjeu qui dépasse EDF
Au-delà du cas d’EDF, ces témoignages relancent le débat sur la responsabilité des grandes entreprises publiques en matière de santé mentale au travail, sur la protection effective des lanceurs d’alerte et sur la capacité des institutions à prévenir les dérives managériales.
Pour les salariés qui ont témoigné, l’enjeu est désormais clair :
« On ne parle pas par vengeance. On parle pour que ça n’arrive plus. »
Sources :
- Blast — Dossiers et enquêtes sur les conditions de travail chez EDF
- Le Média — Enquêtes et témoignages de salariés et lanceurs d’alerte
- Assemblée nationale — Questions écrites et débats parlementaires relatifs à EDF et au harcèlement moral
- Ligue des droits de l’Homme (LDH) — Témoignages et soutiens aux victimes
- Décisions de justice (cours d’appel, prud’hommes) relatives à des litiges impliquant EDF
- Communications institutionnelles d’EDF (charte éthique, dispositif d’alerte)



















